Vous avez trouvé un acheteur, signé une promesse, fixé un prix. Tout semble bouclé. Et soudain, un courrier tombe : la mairie se réserve le droit d’acheter à la place de votre acheteur. C’est brutal, souvent mal compris, et franchement déstabilisant. Ce qu’on appelle le droit de préemption peut tout bloquer. Mais jusqu’où la mairie peut-elle aller ? Peut-elle vraiment vous forcer la main ? À quel moment ce droit s’arrête-t-il ? Et comment s’en prémunir ? Vous allez voir que le jeu est plus subtil qu’il n’y paraît.
La mairie peut-elle vraiment vous empêcher de vendre ?
Oui, et non. Elle ne peut pas vous interdire de vendre, mais elle peut se substituer à l’acheteur que vous avez choisi, au même prix et aux mêmes conditions. C’est ce qu’on appelle l’exercice du droit de préemption urbain (ou DPU).
Mais attention : toutes les ventes ne sont pas concernées. La préemption ne s’applique que dans certaines zones précises, définies par un plan local d’urbanisme. Vous ne pouvez donc pas être surpris par hasard. Si votre bien est situé en zone préemptable, vous avez été informé à un moment ou à un autre, souvent dans votre acte de propriété ou via la mairie.
Et c’est au moment de la signature de la promesse de vente que le processus s’enclenche : le notaire doit notifier la mairie, qui dispose alors de deux mois pour décider si elle préempte… ou pas.
Certains propriétaires tentent de contourner cette contrainte, en procédant à des travaux avant la mise en vente. Mais là encore, gare : si ces travaux ont modifié la nature du bien (division, changement d’usage), la mairie peut estimer que le droit de préemption s’applique toujours, surtout si vous n’avez pas respecté les règles de déclaration de travaux.
Dans quels cas la mairie a-t-elle le droit de préempter ?
Les zones ciblées par les collectivités
Le droit de préemption ne concerne que les zones définies comme prioritaires : développement urbain, création de logements sociaux, réaménagement, etc. Vous pouvez le vérifier auprès du PLU (Plan Local d’Urbanisme) de votre commune, ou directement en mairie.
Une petite commune sans projet n’a souvent aucun intérêt à activer ce droit, mais une grande ville en tension immobilière, oui. Et ce n’est pas qu’une théorie : à Paris, Lyon, Marseille ou Nantes, les préemptions sont courantes.
Ce que la mairie doit justifier
Elle ne peut pas préempter « juste pour voir ». Elle doit justifier l’intérêt général : projet de logements sociaux, équipements publics, protection du patrimoine… Si elle ne le fait pas ou si le projet n’existe pas réellement, vous pouvez contester.
Et ce droit a des limites : si vous vendez à un membre de votre famille proche (conjoint, ascendant, descendant), la préemption est impossible. C’est souvent une stratégie utilisée pour contourner ce droit, dans le respect de la loi.
Peut-elle imposer un prix inférieur à celui que vous avez fixé ?
Voilà une vraie source de confusion. En principe, la mairie doit acheter au prix prévu dans la promesse de vente. Mais si elle estime que le prix est surévalué, elle peut proposer un montant inférieur… via ce qu’on appelle une offre de préemption conditionnelle.
Dans ce cas, le vendeur est libre de refuser. Il peut :
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Maintenir son prix : la vente est alors bloquée, mais la mairie devra saisir le juge de l’expropriation pour trancher.
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Accepter le prix proposé : la vente se fait.
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Renoncer à vendre.
Et si vous ne voulez pas aller jusqu’au tribunal, vous pouvez aussi attendre six mois pour relancer une vente, si la mairie n’a pas concrétisé son projet. Une stratégie que certaines familles avisées utilisent pour reprendre la main sur leur bien, surtout si la mairie n’est pas réellement prête à acheter.
Peut-on échapper au droit de préemption ?
Pas toujours, mais il existe des leviers légaux pour l’éviter ou en limiter l’impact.
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Vendre à un descendant direct.
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Procéder à une vente longue, pour laisser le temps à la mairie de se désister.
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Négocier discrètement avec la mairie en amont si le bien est stratégique.
Dans certains cas, il peut aussi être utile de transformer partiellement l’usage du bien (division, changement de destination, mise en location meublée…) pour modifier son profil juridique. Mais attention : cela suppose de bien connaître les obligations déclaratives. Et beaucoup oublient qu’ils doivent parfois déclarer les travaux aux impôts sous peine de redressement.
Et si la vente intervient dans un contexte plus large (donation, succession…), vous pouvez aussi envisager un montage anticipé. Certains vont jusqu’à intégrer le droit de préemption dans leur stratégie patrimoniale, comme ils le feraient avec une clause de démembrement. Vous pouvez d’ailleurs en savoir plus sur les conséquences d’une revente ou d’un projet à fort enjeu légal en consultant les points de droit liés à la copropriété et aux obligations légales, notamment si votre bien est en immeuble collectif.
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Camille Bernard est dans l’immobilier avec une forte expérience dans la gestion de patrimoine et l’investissement locatif. Sur FAIRE, elle partage ses connaissances sur les tendances immobilières, les copropriétés et les projets de rénovation, tout en fournissant des conseils pratiques pour optimiser vos investissements.