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Droits de succession : le nu-propriétaire doit-il vraiment payer ?

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Droits de succession : le nu-propriétaire doit-il vraiment payer ?

Vous venez d’hériter d’un bien, ou vous êtes nu-propriétaire depuis des années sans trop vous poser de questions ? Et puis un décès survient. On vous parle de succession, de part taxable, de nue-propriété… et soudain, un mot surgit : payer. Pourtant, vous ne touchez aucun loyer, vous ne vivez même pas dans le bien. Alors pourquoi l’administration fiscale vient-elle frapper à votre porte ? La réponse n’est pas aussi évidente qu’on voudrait vous le faire croire. Et certaines subtilités pourraient bien changer la donne, surtout si vous anticipez un peu.

Nue-propriété et succession : deux notions qui ne se croisent pas par hasard

Quand on parle de succession, on pense instinctivement à la pleine propriété. Mais la nue-propriété, elle, fait souvent irruption par la petite porte. Et pourtant, elle peut coûter cher à celui qui l’a reçue “gratuitement” de son vivant.

Une donation qui n’efface pas tout

Prenons un cas simple. Vos parents vous ont donné la nue-propriété de leur maison il y a quinze ans. Ils en ont gardé l’usufruit. Résultat : ils continuaient à y vivre, ou à percevoir les loyers. Et vous ? Vous étiez officiellement propriétaire… mais sans jouissance du bien.

Le jour où l’usufruitier décède, vous récupérez automatiquement la pleine propriété. Aucun acte notarié à signer, aucun impôt à déclarer ? Faux. L’administration fiscale considère ce transfert comme taxable, même s’il a été anticipé. Et c’est souvent là que la confusion commence.

Ce que l’on vous réclame, en réalité

Il ne s’agit pas d’un “double impôt”. Si la donation de nue-propriété a déjà été taxée au moment de sa réalisation, vous n’aurez rien à verser de plus lors du décès… à une condition : que cette donation ait bien été déclarée, enregistrée, et évaluée selon les règles en vigueur.

Sinon, gare aux redressements. Le fisc peut considérer que vous avez bénéficié d’un avantage au moment du décès de l’usufruitier. Et là, la note peut grimper très vite, d’autant que les abattements se reconstituent uniquement tous les 15 ans.

Ce que la loi dit… mais que peu de gens comprennent

L’article 1133 du Code général des impôts

C’est le texte-clé. Il précise que l’extinction de l’usufruit n’est pas un fait générateur de droits de succession, à condition que la donation de la nue-propriété ait bien été réalisée dans les règles. Dit autrement : si tout a été fait proprement en amont, vous n’avez rien à payer lors du décès.

Mais attention, ce n’est pas automatique. Un oubli de déclaration, une valorisation trop basse du bien, ou une répartition floue dans l’acte de donation, et l’administration peut requalifier le montage.

En cas de démembrement non anticipé

Ce qui complique encore plus les choses, ce sont les cas où le démembrement n’a pas été prévu. Par exemple, un parent décède en laissant un conjoint survivant usufruitier, et des enfants nus-propriétaires. Dans ce cas, la nue-propriété est héritée, et non donnée. Là, les enfants sont bel et bien redevables des droits de succession sur leur part, calculée selon un barème précis basé sur l’âge de l’usufruitier. Autrement dit, même si vous ne pouvez pas disposer du bien, vous devez quand même passer à la caisse.

Le piège des successions “tranquilles”

La plupart des gens ne voient rien venir. Ils héritent “en nue-propriété” en pensant qu’il ne se passera rien avant 20 ans. Mais le fisc, lui, a de la mémoire. Et surtout, il dispose d’outils puissants pour reconstituer l’historique d’une transmission.

Un exemple concret : un appartement parisien donné en nue-propriété à une fille unique en 2005, valorisé à 200 000 € à l’époque. En 2025, au décès de la mère, le bien vaut 700 000 €. Si le montage est flou ou mal documenté, le fisc peut venir réclamer des droits sur une base de 500 000 €, en estimant que le transfert s’apparente à une transmission déguisée.

Anticiper, documenter, sécuriser

Il y a des moyens simples d’éviter la mauvaise surprise. Ils ne coûtent pas grand-chose, mais peu de familles les utilisent.

  • Faire établir un acte notarié clair lors de la donation de la nue-propriété. Avec une valorisation correcte, un usufruit bien défini, et une preuve du paiement des droits.

  • Mettre à jour la valorisation du bien régulièrement, surtout si le marché évolue fortement.

  • Conserver les preuves d’occupation par l’usufruitier (factures, contrats, attestations), pour démontrer qu’il n’y a pas eu détournement de l’usage.

Et surtout : ne considérez jamais que la nue-propriété vous protège de tout. Ce n’est pas parce que vous ne percevez rien aujourd’hui que le fisc ne s’intéressera pas à vous demain.

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